CONDUIRE REND CON

Thibaut Carel
3 min readJul 18, 2020

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Je tiens à préciser en préambule que j’adore conduire, vraiment. Certains disent que l’automobile est l’un des derniers garants de la liberté totale, et je ne suis pas loin de le penser aussi. Avoir la possibilité sur un coût de tête de partir, seul ou accompagné, à plusieurs centaines voire milliers de kilomètres, sans réservation aucune, via n’importe quel itinéraire, uniquement selon nos propres envies, est un signe de jouissance extrême. À cela s’ajoute la pratique même du pilotage, et là encore je prends mon pied, peu importe le type de véhicule ou de route.

Malgré ces louanges je ne conduis plus. Il m’arrive d’emprunter une voiture de temps en temps, mais c’est tellement rare qu’on peut désormais me placer dans la case des piétons, cyclistes également il fût un temps. J’ai évidement un mode de vie qui me le permet, principalement lié aux lieux de résidence savamment choisis, des centres villes de grandes agglomérations. En outre je n’exclus pas, un jour, de repasser derrière un volant.

Les bases posées, entrons dans le vif du sujet.

Tout automobiliste a déjà été témoin de situations électriques entre usagers de la route, parfois étant soi-même en cause. Dans les cas les plus gentils ça peut aller de simples regards soutenus plein de sous-entendus en passant par de joyeuses insultes et doigts d’honneurs, dans les cas les plus extrêmes la joute moyenâgeuse est de mise. L’occident évolue désormais dans une aire globalement non violente. À juste titre tout signe de discrimination, d’inégalité et de maltraitance est de plus en plus dénoncé et condamné. Tout n’est pas encore parfait mais il suffit de revenir quelques dizaines d’années en arrière pour s’apercevoir que même en France la société était beaucoup plus dure, à tous les niveaux. La peine de mort, l’inégalité assumée sur un plan juridique entre les hommes et les femmes, le racisme dévergondé, l’homosexualité condamné, etc., la liste est longue. Aussi, écraser l’autre sur un plan physique n’était pas spécialement mal vu, surtout pour un homme.

Étonnement l’un des derniers vestiges de cette forme de tribalité se passe sur le bitume. Une fois le contact passé, la ceinture bouclé, il semblerait qu’un changement s’opère dans notre cerveau, passant de citoyen moyen à combatant inexpérimenté de MMA. J’ai trois théories à ce sujet :

  1. La première concerne le portefeuille. En effet, acheter une voiture et l’entretenir coûte cher et surtout le moindre accrochage peut engendrer plusieurs centaines voire milliers d’euros de réparation (type de véhicule, main d’œuvre, franchise, peinture, etc.). Ça fait cher l’erreur d’inattention.
  2. La seconde concerne notre propension au matérialisme. Il se dit que l’automobile est une extension des parties génitales chez les hommes, un peu comme un troisième testicule bourré de testostérone. Je trouve que c’est un peu réducteur, d’autant plus que les femmes peuvent être tout aussi nerveuses que ces messieurs au volant. Non je penche plutôt sur l’image de l’extension du salon. Les voitures sont de plus en plus agréables à vivre, fauteuils confortables, système de son performant, bruits extérieurs camouflés, climatisation/chauffage optimal au demi-degré près et j’en passe. Du coup avoir à faire à un autre individu sur la chaussée est presque comparable à une intrusion en son domicile, une sorte de cambriolage.
  3. Le troisième point concerne la dangerosité potentielle liée à ce mode de transport, aussi bien pour soi que pour les autres. Il suffit de peu pour supprimer une vie en voiture, ce qui a tendance à développer une tension constante dès lors qu’on passe derrière un volant, et qui dit tension dit être à fleur de peau dit insulte plus facile etc.

Je n’excuse évidement pas l’incivilité que ce soit sur la route ou en dehors d’ailleurs, elle doit être condamnée et fermement. Mais comprendre l’origine du «mal» et surtout en avoir conscience peut parfois aider à relativiser dans les situations les plus tendus.

Pour un monde routier plus paisible, ensemble ayons conscience de notre connerie.

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